Une heure en lien avec le programme de spécialité d’histoire-géographie, géopolitique et sciences politiques de terminale générale : “ Faire la guerre, faire la paix : formes de conflits et modes de résolution”. Le Président a répondu à de nombreuses questions sur la politique internationale de la France durant son mandat présidentiel de 2012 à 2017. Voici ce qu’en a retenu une des élèves ayant participé à cette conférence.
Par Naomi, élève de terminale au Lycée français Victor Hugo de Francfort
Ses années à l’Élysée se sont révélées mouvementées, ponctuées d’engagements qui façonnent encore aujourd’hui la géopolitique mondiale, mais aussi traversées par des jours que l’on compte parmi les plus sombres de la République. De l’opération Barkhane aux attentats terroristes de Paris en passant par la loi El Khomri ou sur le mariage pour tous, François Hollande aura dû faire face à toute formes de conflits plus ou moins urgents, coûteux et controversés : comment faire intervenir la France dans des conflits de si grande envergure comme au Mali ? Comment assurer la sécurité du peuple français sous la menace de Daesh ? Mais surtout, peut-on avoir des regrets en tant que Président ? Près de quatre ans après la fin de son mandat, à l’aube d’une nouvelle passation des pouvoirs française, François Hollande a accordé un entretien exclusif à notre rédaction.
L’évocation de son nom n’est pas à dissocier de celle de l’opération Barkhane. Lancée en 2014 au Mali, où s’ajoutent à l’instabilité politique et aux conflits climatiques les attaques répétées par des organisations terroristes telles qu’AQMI ou Ansar Dine, cette intervention a fait douter l’opinion publique de l’enjeu et des moyens déployés dans la bande sahélienne. L’ancien Président insiste sur le caractère imprévu de cette décision : l’envoi des troupes françaises au Sahel s’est imposé comme une priorité inopinée dans l’agenda présidentiel, alors que celui-ci affichait initialement la lutte contre le chômage en haut de la liste. Interrogé sur les raisons de faire persister les troupes françaises au Mali, il répond que la poursuite de cet engagement est justifiée si le Mali la juge nécessaire. Ce n’est néanmoins pas sans émotion que l’ancien chef d’Etat fait part de sa responsabilité quant aux victimes françaises et maliennes de l’opération Barkhane. N’étant plus à la tête des armées, la continuité de Barkhane se fera indépendamment de son opinion ; il exprime cependant le souhait de voir les troupes maliennes se défendre seules dans l’optique de se désengager progressivement de la zone. Quant au coût qu’implique un tel engagement militaire, François Hollande avoue s’être interrogé sur le déploiement de ces moyens, ce qui ne l’a pas empêché de l’estimer nécessaire et proportionnel à l’enjeu. « Elle coûte, et alors ? » : le cas de conscience semble résolu et la décision répondre uniquement à la demande du président malien, d’autres chefs d’Etat de la région et de l’ONU, la France n’ayant « aucun intérêt économique majeur au Mali ».
« Je suis responsable à chaque fois qu’un soldat meurt ou est blessé (au Mali) »
Les guerres tout aussi inédites qu’inhumaines contre lesquelles il fallait lutter au Mali paraissaient jusqu’ici encore floues, lointaines. C’est à partir du sept janvier 2015, sous François Hollande, que le terrorisme islamiste sème sa première vague de zizanie en France. Charlie Hebdo, le bataclan, Nice et son 14 juillet… Comment réagit-on à ces menaces constantes envers une République que l’on dirige et que l’on tente d’unifier ? Sa première réponse est pragmatique : on renforce les services de renseignement et l’arsenal juridique, on procède à des perquisitions. Conscient qu’une idéologie s’ancre bien plus longtemps dans une société que la force de l’organisation qui la propage, François Hollande ne perçoit pas la quasi-éradication de Daesh au Sahel comme un acquis. La lutte contre le terrorisme, c’est avant tout un « travail éducatif » qui s’effectue à travers la déradicalisation et les politiques de réinsertion sociale. Parce que la cause première du terrorisme islamiste selon lui, c’est la radicalisation qui se répand, le fanatisme religieux et la volonté de diviser, indépendamment du milieu social, d’où l’importance de « faire bloc » : autant d’expressions utilisées au cours de son tumultueux mandat et qui témoignent de son expérience avec la guerre.
Pour faire face aux conflits ou simplement composer avec la multipolarité de ce monde, il y a les relations internationales. Entre coopérations et désaccords, François Hollande a, durant sa Présidence, été accompagné par des dirigeants étrangers avec qui il importe d’entretenir des relations stables. Avec l’Allemagne par exemple, l’ancien chef d’Etat exprime sa conviction que « les deux pays sont liés » et que leur union décide de l’avenir de l’Europe, ce pourquoi le dialogue avec cette autre puissance est d’autant plus important. « Je n’ai pas manqué à ce devoir », affirme-t-il. Faire des concessions, trouver des compromis, être ferme quand il le faut : c’est avec ces termes que François Hollande définit le rôle de Président de la République. De cette façon, les relations avec les Etats-Unis, notamment avec Barack Obama, se sont toujours déroulées de façon sereine et coopérative selon lui, lors de la COP 21 ou des conflits en Irak par exemple. Un différend avec la Maison Blanche lui reste cependant en mémoire : lorsqu’en 2013, Bachar el-Assad utilise des armes chimiques contre son peuple, François Hollande comptait punir le régime syrien par un assaut tandis qu’Obama a privilégié le dialogue. Une décision de non-intervention américaine qu’il avait officiellement regrettée à l’époque et dont, avec le recul, il observe que cela a bel et bien conduit à une orientation plus radicale de la Syrie.
Le mandat de François Hollande semble avoir été jalonné de conflits en tous genres donnant lieu à des décisions parfois controversées et pressées par l’urgence d’agir. Malgré les circonstances, ces mesures suffisent-elles à écarter la menace terroriste ? Que devrait entreprendre son successeur ? La poursuite de l’opération Barkhane est-elle toujours justifiée ou doit-on œuvrer pour une nouvelle stratégie militaire ? Un changement, maintenant ?